Cuba 4 — Une première impression


Les odeurs de cigare, de terre chauffée, d’essence et d’huile mal brûlée chatouillaient encore mes narines quand l’autobus s’est finalement mis en branle, vers La Havane, avec une bonne heure de retard. « Ça ne fait rien... » que je me dis. « C’est ça les vacances... ne pas avoir de contrôle. » 

Enfoncée dans mon siège, je n’arrive pas à lire quoi que ce soit. Alors que nous roulons sur la nationale, je regarde par la fenêtre pour voir ce que le paysage m’apporte de spécial. Il y a des palmiers partout et l’odeur de mer reste suspendue dans l’air climatisé de l’autobus. « Je suis dans le Sud. » Les voitures américaines des années 50 pullulent. Au-dessus de la route flotte ce nuage gris un peu bleu qui s’accentue considérablement quand un conducteur pèse sur l’accélérateur. Ça me rappelle que, dans ces années-là, les véhicules n’étaient pas munies de catalyseurs. Les effluves désagréable pénètre dans mes narines. 

Au bout d’une heure, le chauffeur arrête l’autobus dans ce qui ressemble à une aire de repos. Chez nous, on y trouverait un Pizza-Hut, un Mac Do, un Burger King, trois ou quatre stations-service... ici, il n’y a rien d’américain. J’identifie un bar ou flotte un peu trop l’odeur de rhum, un restaurant qui annonce des repas créoles et un étalage de t-shirt à l’effigie de Ché Guevara. Le temps de prendre quelques photos et regarder les quelques babioles qui servent d’attrape-touriste, puis nous repartons. 



En bordure de la capitale, l’autobus s’arrête plutôt brusquement, ce qui porte les passagers à observer une scène touchante. Le conducteur avait stoppé le véhicule pour permettre à un vieil homme muni d’un sac de vidanges noir, marchant difficilement avec une canne, de traverser très lentement la nationale. Sur sa tête, une calotte à la Fidel Castro se tient en déséquilibre. D’un sourire sans dents, il remercie notre chauffeur. Son compagnon de travail, d’une vingtaine d’années, l’encourage à se rendre dans la clairière en bordure de la route pour y ramasser des détritus laissés par les visiteurs... ou un orage. 

Attendrie, j’ai souri. Puis mes yeux se dirigent vers les bruits tout à côté. La scène est plutôt saisissante. D’abord, une Mercedes rutilante toute neuve suivie d’une BMW noire  dépassent l’autobus moderne. En même temps, en sens inverse, je vois passer une bécane rouillée, sans aucun changeur de vitesses, montée par une femme qui pédale difficilement en tentant de ne pas perdre l’enfant assis sur la barre transversale. « Comme nous faisions, chez nous, dans les années 60... » À côté, sur l’accotement, un paysan conduit un boguey tiré par un cheval. Puis, lentement, pour ne pas écraser personne, une vieille Chevrolet avance en laissant échapper un nuage gris. Wow ! Tous les moyens de transport disponibles sur l’île de Cuba venaient de m’apparaître en moins de 30 secondes, dans le même espace. Même pas le temps de sortir l’appareil photo... 

Au cours de cette balade en autobus, j’ai observé ce territoire de Cuba. Il y énormément de roches. Beaucoup de roches. Des falaises rocheuses. Des débris de roches ici et là. Puis il y a cette végétation qui s’accroche partout, comme si elle tentait de retirer du regard des curieux ces roches disgracieuses, vestiges d’une rigueur quelconque dans le passé de l’île. Un peu plus tard, je suis surprise de voir de grandes étendues de sable... et de nombreux puits de pétrole... 

Alors que nous entrons dans La Havane, je reste songeuse, incapable de décider si je suis heureuse d’y être ou déçue de ce que j’y trouve. En soirée, une balade sur la Prado me permet de constater toute la complexité de la ville et de ses habitants...

Même si je suis revenue chez moi depuis plusieurs semaines, je n’arrive pas encore à qualifier la sensation vive vécue là-bas durant nos sept jours de visite. Une sorte de malaise causé par le désordre constant dans notre façon d’interpréter l’île. L’intention évidente de plaire des Cubains. L’acharnement de la population à survivre. La surveillance policière permanente. L’odeur de rancis mélangée à celle de l’huile à moteur mal brûlée et à laquelle s’ajoutent des effluves de cigares et de rhum... 

Pourtant, je m’attendais à ça... Je vous raconte dans mes prochaines publications...



Suzie Pelletier 

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