Le Kindle et les repères


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Blogue  - Le Kindle et les repères

Ce matin, je visitais une salle d'attente. Bien sûr, mon rendez-vous était avec un médecin, mais comme c'est le cas souvent, je savais que je passerais plus de temps dans la salle d'attente que dans son bureau. J'avais donc mon kindle et, très vite, j'étais concentrée sur la lecture du dernier roman médiéval de Cora Harrison. J'étais momentanément transportée dans cette Irlande celte du début du 16e siècle et je dévorais les pages pour savoir comment la brehon Mara allait se sortir du mauvais pas dans lequel elle se trouvait. Vive le kindle que j'avais tout simplement fourré dans le fond de mon sac à main. 

Puis soudain, j'ai senti qu'on m'observait. Pourtant on n'avait pas encore appelé mon nom. J'en étais sûre. J'ai levé les yeux pour voir un petit bout d'homme qui m'observait de ses yeux noirs. Je sentais l'intelligence et la curiosité derrière ce regard d'à peine quatre ans. 

Le petit : « t'as des jeux sur ton jouet ? »

J'ai tourné la liseuse pou qu'il voit l'écran : « non. C'est un kindle et c'est fait pour lire seulement. » 

Le petit a regardé l'écran d'un air déçu : « ah. Il y a juste des mots. C'est un livre. » 

Hum. Comment expliquer au petit que j'ai plus de 200 bouquins dans cet engin ? Je suis restée sur un terrain général : « si on veut. »

Petit : « t'es rendue à quelle page ? »

Devant le fou rire de la mère, j'ai compris que le petit, qui ne lisait pas encore, avait hérité cette question de ses parents. Mais comment répondre? Car j'en avais aucune idée. Alors j'ai fait un calcul savant dans ma tête : « je suis rendue à la page 200. » 

Le petit a à peine attendu ma réponse (qui n'avait probablement aucun intérêt pour lui) avant de poursuivre : « t'auras bientôt fini ? » 

Je n'ai pas pu faire autrement qu'éclater de rire : « oui, j'aurai fini bientôt. »

Je savais bien que la conversation se serait poursuivie longtemps encore. L'enfant avait quatre ans et il apprenait à questionner son environnement. Ce matin, j'en faisais partie. Puis sa mère l'a récupéré pour se rendre dans le bureau du médecin. 

Ma conversation avec Cori, l'enfant de quatre ans, m'a fait réfléchir. Puis bien sûr, mes réflexions m'ont fait frapper le clavier de mon iPad. 

 Cela fait déjà quelque temps que j'ai ces nouveaux outils de lecture qui se sont ajoutés à mon iPad. On s'habitue rapidement à ces nouveaux outils et ils s'intègrent facilement dans notre mode de vie. Aujourd'hui, j'ai réalisé que mes repères vis-à-vis la lecture avaient changé. 

(coup de pouce)
 Par exemple, lorsqu'on est dans une librairie et qu'on cherche un livre, disons pas trop gros, on regarde des paramètres comme l'épaisseur du livre, le nombre de pages et la grosseur du texte. Un texte large sur 200 pages indique un livre qui ne prendra pas trop de temps à lire. Un texte écrit petit sur 1000 pages sera donc long à lire. C'est simple. Tous les lecteurs s'y reconnaissent.




Or, sur une tablette de lecture, l'épaisseur du livre, de la bibliothèque devrais-je plutôt dire, est toujours la même soit l'épaisseur de la tablette. Quant à la grosseur du lettrage, peu importe le livre, je le place moi-même. J'ai donc perdu ces deux paramètres pour savoir si cela me prendra du temps, ou pas, à lire un livre. 

Et le nombre de pages donc ? Hum, les tablettes de lecture n'indiquent que le nombre de sections qui, lui, varie en fonction du lettrage choisi. Plus les lettres sont grosses, plus il y a de sections ... Oups. J'ai donc perdu ce paramètre-là aussi. Comme je laisse toujours le même lettrage, un livre de 12 500 sections est donc plus petit qu’un autre de 30 000 sections. OK. 

Vous commencez à comprendre mon hésitation à répondre à l'enfant. 

Mais qu'est-ce que l'on fait quand ces sections sont identifiées par chapitre et non pas pour le livre au complet ? Parce que cela arrive. Dans mes anciens repères, ce serait comme recommencer à la page 1 à chaque début de chapitre. 

Les tablettes de lectures offrent un nouveau paramètre, celui du « % lu ». Intéressant vous me direz ?  Je répondrais qu'il faut s'adapter. Quand je lis 10 % d’un livre en moins d'une heure, il est petit. Si cela me prend entre deux et trois heures pour en lire 10 %, c'est un livre moyen. Puis, comme cela m'est arrivé avec les livres d'Alexandre Dumas, 2 à 3 % à l'heure indique que c'est un très gros livre ... 

Je me demande quelle expression le visage de Cori aurait prise si je lui avais répondu « j'ai lu 62 % du livre. » 

À la maison, avant les lectrices, quand quelqu'un attendait un Iivre qu'un autre membre de la famille lisait, il fallait demander « t'es rendu où dans le livre » ? La réponse se définissait en nombre de pages, le numéro d'un chapitre ou, parfois, en 'presque la moitié' ou « plus du trois-quarts ». En regardant l'allure du livre, on savait à quoi s'en tenir et on s'accommodait de l'attente. Aujourd'hui, avec les tablettes de lecture, la réponse devient 12 %, 34 % ou 98 %. Comme on ne voit pas l'épaisseur du livre, il faut demander une question subséquente comme « est-ce que tu auras fini bientôt ? “Hum ! La réponse à ceci peut varier considérablement et l'interprétation peut aussi varier d'une personne à l'autre. 

Heureusement (car bien sûr qu'il y a un bon côté à toute chose), je n'ai pas besoin d'attendre pour lire un livre que Denis est en train de lire. Parce qu'en ayant accès à sa bibliothèque Kindle, je peux télécharger le livre même s'il n'a pas encore fini.  

Je l'aime mon kindle et je ne m'en passerais plus. 

Plume

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