Voyage 2003 - Greenwood

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Les maritimes et les îles de la madeleine
Lundi le 11 août 2003 - Greenwood

Cela faisait plus de deux semaines que nous étions sur la route, nos habitudes étaient bien encrées dans nos cerveaux. Ce jour-là était jour de voyage. Au petit matin, il ne pleuvait pas, mais une épaisse brume recouvrait toute la région. Les grands arbres qui cachaient notre Cadet du soleil étaient pleins d’eau et ils dégoûtaient sur nous pendant que nous levions le camp. Alors nous avons fait vite. Levés à 8 h nous étions déjà à la recherche d’un Tim Hortons pour déjeuner dès 8 h 40.  

Ce jour-là, notre route n'était pas très compliquée. Nous avions à peine 150 kilomètres à parcourir. Il fallait d’abord nous rendre à la nationale, route 102, en direction de Truro, puis emprunter la sortie suivante pour prendre la 101 qui conduit à Digby et Yarmouth, dans l'ouest de la province. Aucune de ces villes n'était notre destination, car nous voulions nous rendre à Kingston, au Camping Jellystone de Yogi Bear. Un retour en enfance de nos coeurs de baby-boomers, vous direz? Bien non, c’était le seul camping de toute la région avec une cote au-dessus de deux étoiles. Le camping très familial est, comme son nom l'indique, tout organisé pour les enfants. Pour nous ce n’est pas grave, car nous ne serons presque pas au camping durant notre séjour. 



Nous avons pris le temps d'installer la roulotte. 






Mais Denis était très impatient de se rendre à Greenwood, la ville tout à côté de la Base des forces canadiennes où son père travaillait quand il était âgé de neuf à quatorze ans. Nous avons fait le tour de la partie « ouverte » de la base que nous connaissons comme les logements privés des militaires (PMQ). Nous avons vu la maison où il habitait avec sa famille, son école primaire qui est maintenant un centre civique, le coin des scouts, les rigoles où il a joué avec ses amis, le chemin qui menait à la maison de son ami Pierre, son école secondaire dans les quartiers autrefois peuplés, mais aujourd’hui presque déserts. 

L’endroit avait changé. Lorsque nous nous sommes arrêtés pour manger un morceau dans un McDo, j'ai senti que Denis était nostalgique. Le coin lui rappelait une belle partie de son enfance et du début de son adolescence.

Le fait que certains quartiers n'étaient plus habités le décevait beaucoup. J'ai cru comprendre que la politique d’habitation de la Défense nationale, qui proposait des coûts des logements plus élevés, était en partie responsable de ce vide. Il y avait aussi le fait que les jeunes d’aujourd’hui ne se contentent plus des conditions des PMQs. Ils cherchent plus de liberté pour organiser leurs domiciles et leur vie, loin des regards de l'organisation.

Denis était tout de même content d’avoir eu la chance de revoir ce bout de terre qui représentait pour lui autant de beaux souvenirs. Je l'ai vu marcher lentement pour retrouver un peu des sensations de son enfance. Je l’ai observé quand il a grimpé aux fenêtres de son ancienne maison pour voir en dedans... par chance elle était inhabitée.   

À la fin de l’après-midi, Denis a conduit l'auto sur la route que lui et ses amis prenaient, à bicyclette, pour se rendre à la Baie de Fundy. Nous avons eu un peu de mal à la localiser puis, finalement, nous avons trouvé le chemin Bishop qui conduit de Kingston à la mer. Étant donné l’état de cette route de terre mal entretenue, nous avons dû rebrousser chemin à environ un kilomètre de l’alcôve que Denis voulait me montrer.  





J’avais peine à croire qu’il faisait cette route à bicyclette. C’était au moins à 10 kilomètres de Kingston et à 15 kilomètres de Greenwood. Mère moi-même, je comprenais mal comment ses parents le laissaient faire. Cette route de terre était au milieu de nulle part et la baie de Fundy est l’endroit où les marées sont les plus hautes, les plus rapides et les plus dangereuses du monde. Lorsque je lui ai demandé comment il demandait la permission à sa mère, j’ai vite compris qu’il utilisait la tactique d’en dire le moins possible. Expliquer à sa mère qu’il faisait de la bicyclette avec ses amis était suffisant…

Cette constatation m'avait laissée songeuse. Pourquoi se fâchait-il quand son fils Nicholas lui appliquait la même tactique? Il voulait éviter que son fils se place en danger. Ça, je le comprenais. Mais, la réaction de Denis était toujours plus vive que la mienne. À ce moment précis, sur cette route isolée en pleine campagne, j'ai compris à quel point ce petit jeu de demi-mensonges et de demi-vérités comportait de gros risques. En ne disant pas tout, Nicholas s'exposait à ces mêmes risques et cela terrorisait son père. 

Terminé le 11 août 2003
Revu le 22 septembre 2012 


Plume /Suzie Pelletier

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