Le couple et le plombier
Quand ma solitude d’écrivain me pèse et que j’ai besoin d’en sortir, je marche vers l’un des trois Tim Hortons de mon quartier. Les gens y sont toujours intéressants ; souvent, leurs attitudes, leurs expressions faciales et leurs paroles nourrissent mon imaginaire. Ne prenant que des petits bouts sans début ni fin, j’imagine le reste. Combien de nouvelles ont éclaté dans ma tête alors que j’étais assise tranquille dans un resto à observer mes contemporains ? Je ne les compte plus.

Ce jour-là, alors que je sirotais un café Tim Hortons un peu trop chaud, mon regard s’est porté sur le couple qui venait de s’assoir à la table en face de la mienne. Ils détonnaient dans l’ambiance ; lui en habit Armani, chaussure italienne, montre au prix exorbitant et la coiffure soignée ; elle au maquillage étudié, en talons hauts de luxe, habillée d’un costume fait sur mesure, aux bijoux de valeurs accrochés partout. Les deux avaient le nez pincé et affichaient un air particulièrement dégoûté. Que faisaient-ils ici ces deux-là ? Le nez plongé dans mon livre, je ne lisais pas ; j’étais captivée par leur conversation qui ressemblait à ceci :
— Pierrette, tu as eu une bonne idée. Les toilettes sont propres.
Dans ma tête, un seul mot se répétait en boucle « Hein ? »
L’homme a porté un regard sur l’ambiance du restaurant. Un éclat de rire tout à côté a semblé le déranger, le rendre nerveux. Mon cœur d’écrivaine était heureux de voir le couple dans la soixantaine poursuivre leur conversation...
— Je te l’avais dit, Marcel. Mais cela ne répare pas la nôtre. Que vas-tu faire ?
— Pour le moment, j’ai coupé l’eau. Mais, tu sais il faudra faire venir le plombier ; parce que je ne sais pas comment réparer ça, une toilette.
— Hum... Ça va coûter cher...
— 40 ou 100 dollars de l’heure. Sûrement deux ou trois heures... C’est vrai que c’est cher pour jouer dans la merde...
Je sentais mes joues devenir rouges ; la gêne d'être de la même espèce qu'eux ; la colère de voir de si près la discrimination. Le couple poursuivait leur enfoncement.
— Pierrette, il ne faudra pas les laisser seuls dans la maison. On ne sait jamais avec ces gens-là... Ils pourraient faire des dégâts, voire voler quelque chose...
— Je sais... Tu sais quand t’as pas été à l’école longtemps, t’as pas appris à vivre.
— Tu as raison... C’est gens-là n’ont pas de classe.
J’ai levé les yeux vers l’étrange couple en faisant attention à ce qu’il ne voie pas la furie qui s’allumait, j’en suis certaine, dans mon regard. Devrais-je parler ? Leur dire ce que je pense... J’ai vite compris que cela ne donnerait rien. Habillée de jeans et d’un vieux T-shirt, ils me prendraient pour... C’est ça la discrimination ; c’est de refuser de voir les gens en s’attardant à l’habit. Ils n’écouteraient même pas mes propos.
Alors, je profite de ce blogue pour passer mon message :
Cher couple,
Ce plombier va jouer dans VOTRE merde pour sauver VOTRE maison et rétablir VOTRE confort. Il le fera avec professionnalisme, le sourire aux lèvres. Vous, de votre propre aveu, vous en êtes incapables. Du haut de votre snobisme et de votre allure hautaine, vous dénigrerez son travail et vous hésiterez même à payer le prix qu’il demandera.
Dans ma pensée, celui qui n’a pas de classe... Ce n’est pas le plombier.
Bon ! Je me sens mieux !
Plume/Suzie Pelletier
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