mercredi 25 novembre 2015

Lecture - Denis-Martin Chabot


Rubrique sur mes lectures: 
Auteure : Denis-Martin Chabot
Roman : rue Sainte-Catherine Est - métro Beaudry
Genre :  Roman
Année : 2015
Édition : La semaine

Mon ami s’appelait Jimmy. Nous étions étudiants au CÉGEP de Sherbrooke, moi en sciences pures, lui en science de la santé. Il rêvait de devenir médecin. Un jour, j’ai remarqué qu’il observait les garçons avec un regard similaire au mien. Oups ! Ayant souhaité qu’il m’invite à sortir avec lui, j’étais fort déçue. Je suis tout de même restée son ami. C’était en 1972. En 1974, son frère l’a trouvé avec un autre gars dans son lit. Le drame. L'intolérance. Les pleurs de sa mère. La rage de son père. On l’a mis à la porte. Comme ça, un vendredi soir. Jimmy a cessé ses études et emprunté la 10 pour se rendre à Montréal. Je suis partie pour Québec quelques semaines plus tard pour y faire mes études. J’ai perdu Jimmy de vue; complètement. C'était bien avant Facebook. Dans le milieu des années 90, j’ai appris par hasard qu’il était mort dans le quartier gai à Montréal. Du SIDA. Je me suis souvent demandé ce qui était arrivé à Jimmy après son départ de Sherbrooke. Denis-Martin m’apporte une sorte de réponse, parce qu’il nous rappelle avec une grande sensibilité la vie des gais de cette époque.

Le roman de Denis-Martin nous ramène aux années 70 alors qu’un vent de liberté suivait la Révolution tranquille. Mais on devinait que cette refonte sociale profonde avait oublié les gais et ce, malgré le bill omnibus de Trudeau (1969) qui décriminalisait les actes homosexuels entre adultes consentants. Dès lors, le quartier gai de Montréal devient un havre où les homosexuels pouvaient assumer leur différence sans entrave et sans jugement. Ils répondaient à la discrimination encore présente dans la société par le seul moyen sur lequel ils avaient le contrôle total : un comportement sexuel débridé. Comme l’explique si bien l’auteur dans son livre « c’était dans l’air du temps, la révolution sexuelle au cours de laquelle les gais s’émancipaient enfin après des siècles de discrimination ». D’ailleurs, ça en tuera un grand nombre; une perte pour la société québécoise. Le SIDA fait aussi son apparition à cette époque et frappe avec force dans le quartier gai de Montréal.

L’auteur possède une plume fort habile, idéale pour nous faire pénétrer dans ce secteur de la ville qu’on connait mal, à moins d’être soi-même homosexuel. Athlète de l’écriture, Denis-Martin nous présente des scènes souvent crues, mais essentielles à la compréhension. Je retiens surtout le tableau social de cette communauté qui a choisi de vivre dans une sorte de ghetto pour s’abriter contre la discrimination et parfois la violence à son égard. Le roman « Rue Ste-Catherine Est - métro Beaudry », se lit très bien. Avec émotion, j’ai saisi ce que Jimmy avait probablement subi : une solitude atroce causée par le rejet des siens, compensée par un comportement sexuel effréné et insouciant. Comme si un génie malin voulait rendre ce désordre humain encore plus terrible, les personnages de Denis-Martin Chabot meurent du SIDA ou restent séronégatifs sans qu’on découvre pourquoi ni comment; une sorte de roulette russe qui s’associe avec le hasard.

Lire le roman de Denis-Martin Chabot m’a permis de mieux comprendre cette période trouble et parfois cachée de notre histoire. Une blessure sur notre vécu collectif. Je me souviens aussi que, si notre société moderne et occidentale est aujourd’hui plus inclusive des homosexuels, il faut se rappeler que la discrimination des gais est encore présente dans beaucoup de pays de par le monde. On les emprisonne et on les tue, par le seul fait qu’ils sont différents.

Qui est Denis-Martin Chabot ?  Comme beaucoup d’adeptes de reportages bien ficelés, j’ai d’abord connu Denis-Martin par ses interventions à Radio Canada. Entre autres, il s’est rendu à Mégantic pour nous informer du déroulement des évènements tragiques. De plus, lors des dernières élections vous l’aurez remarqué avec ses capsules « épreuve des faits ». S’il dit lui-même qu’il est chanceux de recevoir un salaire pour accomplir sa passion du journalisme tous les jours, l’homme est également poète, romancier et nouvelliste. Mes recherches pour composer ces lignes m’ont aussi appris qu’il s’intéresse au théâtre, ayant joué quelques rôles et écrit quelques pièces. 

Pour les férus de l'histoire québécoise, vous serez captivés par cette épisode peu connue ainsi que par ses intervenants, même s’ils sont fictifs. Pour les amoureux du suspense, sachez qu’il s’agit d’un bouquin où le meurtrier tue sans but apparent, choisissant les victimes au hasard. Pour les autres, vous apprécierez le style d’écriture de l’auteur. 

Je suis heureuse de vous annoncer qu’il y aura un deuxième tome ! Bravo à Denis- Martin Chabot !

Bonne lecture ! 

Suzie Pelletier











jeudi 19 novembre 2015

Le terrorisme. Une réponse. Accueillir les Syriens.

Un texte similaire a aussi été publié sur le Huffington post Québec (blogue) le 17 novembre 2015
Le terrorisme. Une réponse. Accueillir les Syriens.
J’ai mis quelques jours avant d’écrire ce billet. L’horrible carnage à Paris, vendredi dernier, suivait de près un autre à Beyrouth et l’incident de l’avion russe tombé en Égypte. Ça s’ajoute à Charlie Hebdo, les tueries à Saint-Jean-sur-le-Richelieu et à Ottawa. Depuis des jours, je ne desserre pas les dents. Je cherche une réponse. Je voudrais en découdre avec les terroristes, casser des têtes, vider une mitraillette… La douleur me fait réagir à chaud. Avec une violence qui ne m’appartient pas. Est-ce la bonne manière ? Non, surtout si la réaction est ancrée dans la peur.
Les Syriens…
C’est dans la nature humaine de s’efforcer de trouver un coupable dans les jours qui suivent une telle horreur… que dis-je ? Dans les heures qui suivent ! Je travaillais tout près de l’aéroport Pierre-Elliot-Trudeau au moment des évènements de septembre 2001. Les Arabes furent rapidement identifiés comme les auteurs de l’odieux crime. Mon ami musulman de race noire n’a pas été importuné; celui qui venait du Maroc ne pouvait faire un pas dans l’édifice sans ressentir le malaise qui envahissait les corridors.
Cette fois, on s’inquiète des 25 000 Syriens que notre nouveau gouvernement canadien veut intégrer chez nous, dans nos villes, nos villages. Avant le 13 novembre 2015, nous étions heureux de recevoir ces familles, ces gens qui souffrent des effets d’une dictature qui est presque sans précédent sur la planète. Mais, depuis ce vendredi de tuerie à Paris, nous doutons. S’il y avait un terroriste parmi eux ? Pourquoi cette réaction ? Pourtant, les disciples de l’État islamique sont aussi Français, Belges, Américains, Canadiens, Québécois même.
Se comporter ainsi donne raison à ceux qui menacent constamment les valeurs fondamentales de notre société occidentale. Ils nous font peur, nous forcent à remettre en question nos décisions. Pourquoi Justin Trudeau veut-ils ouvrir nos bras aux Syriens ? Un passeport syrien n’a-t-il pas été découvert près d’un kamikaze au stade de France à Paris ? Attention ! Ce passeport était faux… rien n’y fait, il faut trouver un coupable.
NON ! Choisissons de nous tenir debout. Nous sommes une nation qui, au fil des siècles de son existence, a recueilli de nombreux réfugiés qui cherchaient un havre pour rebâtir cette vie brisée par la tyrannie, la guerre et l’horreur. Faisons de même avec les Syriens. Réagissons plutôt en relevant nos manches et en travaillant fort pour faire un pied de nez au terrorisme. S’il le faut, prenons un peu plus de temps que le prévoit Justin Trudeau, mais œuvrons pour bien accueillir ces réfugiés afin qu’ils puissent participer activement à la vie du Québec.
C’est la meilleure réponse socio-économique contre le terrorisme international fomenté par l’État islamique. Une preuve que nous n’abandonnerons jamais nos valeurs.
Cessons d’avoir peur ! Agissons !

Suzie Pelletier


mercredi 28 octobre 2015

Lecture - Paula Hawkins - The girl on the train


Rubrique sur mes lectures: 
Auteure : Paula Hawkins
Roman : The girl on the train (La fille du train)
Genre :  Thriller psychologique
Année : 2015
Édition : Deckle Edge (paperback)


Trois femmes : Rachel, Anna, Megan. Trois hommes : Scott, Tom, Kamal. Tous liés entre eux par le jeu des mariages et des infidélités. Chacun d’eux est coupable d’une quelconque action répréhensible. Un seul est un meurtrier sordide. Mais lequel ?

Rachel prend le train de banlieue tous les jours pour se rendre à Londres. Chaque fois, deux fois par jour, le train s’arrête au même endroit, laissant à notre personnage principal le temps d’observer les appartements qui longent la voie ferrée et de s’imaginer le vécu d’un couple qui lui semble si heureux. Puis la jeune femme disparaît; on la retrouve morte dans un bois, assassinée. Au fil des pages, Rachel, alcoolique et prône aux amnésies alcooliques, tente de retrouver cette mémoire d’évènements qui ne se sont pas enregistrés dans son cerveau imbibé d’alcool. Au fil des pages, nous comprenons que les moments perdus contiennent des informations qui faciliteraient le travail des enquêteurs. Dès lors, on a envie de l’aider... même si les émotions qu’elle ressent sont plus empreintes de peur et de terreur, que de culpabilité ou de regret. Qu’a-t-elle fait au cours de ces heures troublées ? Que sait-elle ?

J’ai lu ce roman dans la langue de Shakespeare, mais je suis certaine que la traduction en français saura captiver autant les lecteurs.

J'ai visité Londres à quelques reprises et j'ai choisi chaque fois d’y loger en périphérie, préférant me rendre au centre de cette capitale en train. Je comprends donc le comportement du personnage principal d’observer les gens que l’on aperçoit à travers la vitre qui nous rend invisibles; comme un voyeur qui interprète ce cinéma vivant qui s’étale devant nous à l’air libre. Combien de scènes ai-je imaginées en regardant un personnage original, un uniforme, une robe particulière ou un chapeau ? Ne vous êtes vous jamais demandé à qui parlaient ces personnes qui ont le cellulaire à l’oreille ? N’avez-vous pas tenté d’inventer la deuxième partie de la conversation ? L’analogie utilisée par Paula Hawkins pour écrire ce thriller est intéressante en soi.




Née et élevée au Zimbabwe, Paula Hawkins s’installe à Londres en 1989, à l’âge de 17 ans. Elle étudie à Oxford en philosophie, économie et finance. Son premier livre traite de la finance (The money Godess) puis elle fait carrière sous le pseudonyme d’Amy Silver en écrivant des fictions romantiques. The Girl on the Train est son premier thriller psychologique dans lequel elle traite de la violence conjugale et de l’alcoolisme féminin. Le roman s’est rapidement retrouvé sur la liste des bestsellers de New York. Plusieurs millions d’exemplaires ont été vendus dans le monde; trois millions uniquement aux États-Unis.



J’ai bien l’intention de suivre cette auteure à l’avenir. Si elle a pondu celui-là en six mois, que peut-elle faire en quelques années ?

Bonne lecture ! 

Suzie Pelletier
Merci d'encourager l'édition indépendante 

jeudi 22 octobre 2015

Lecture - Harper Lee - Va et poste une sentinelle


Lecture: 
Auteure : Harper Lee 
Roman : Va et poste une sentinelle
Année : 2015
Édition : HarperCollins


En soi, Harper Lee est une énigme. Alors que son premier roman publié en 1960 reçoit le prix Pulitzer de la littérature en 1961, elle ne produit aucun autre roman par la suite. Du moins, rien sous son véritable nom. Les rumeurs courent qu’elle aurait écrit sous un nom d’emprunt... rien n’a été prouvé. Au fil des ans, elle a publié quelques textes dans les journaux dont la revue Vogue. Puis, son deuxième bouquin apparaît 55 ans plus tard, alors qu’elle a 89 ans. 

J’ai lu « Ne tuez pas l’oiseau moqueur », il y a quelques années avec beaucoup d’intérêt. J’ai d’ailleurs écrit un billet en 2012 suite à cette lecture. Voici le lien : 


Pourquoi a-t-elle attendu autant d’années pour sortir ce second roman ? En fait, nous apprenons selon la presse littéraire que ce deuxième écrit était en fait son premier essai. L’année 1955 n’était peut-être pas une bonne année pour accepter ce type de roman où on dénonce vivement la discrimination raciale. C’était avant Martin Luther King et on ne se préoccupait point de cela. Comme un bobo qu’on ne gratte pas. Voyant son œuvre refusée par les maisons d’édition, l’écrivaine américaine avait simplement continué d’écrire pour proposer une nouvelle œuvre qui fut acceptée et publiée en 1960, au beau milieu des crises américaines sur la discrimination des noirs. Martin Luther King réclamait des changements majeurs et il avait bonne presse. C’était le bon moment et on connaît la suite. To kill a Mockingbird a gagné le prix Pulitzer en 1961 et il fut vendu en plusieurs millions d’exemplaires. 

On comprend aussi par la presse qu’on croyait ce premier manuscrit perdu. Selon la rumeur, il aurait été retrouvé dans une boîte au fond d’un grenier. Il aurait été retrouvé en 2011 ou en 2014, selon le journal qui rapporte le fait. 




Dans ce livre, je retrouve les personnages que j’ai aimés dans le premier, vingt ans plus tard. Scout (Jean Louise) habite maintenant New York. Le livre nous présente notre héroïne en visite chez Atticus, son père vieillissant qu’elle ne voit qu’une fois par année. Vingt ans d’exercice légal ont rendu Atticus aigri et raciste. Elle envisage d’épouser Henry, son ami d’enfance, mais elle refuse sa demande quand elle réalise que, à titre de protégé d’Atticus, il partage ses idées infantilisant le peuple noir. Une chicane familiale s’ensuit. Qui a raison ? Ces gens du Sud qui veulent aider les noirs à s’affranchir en les traitants plutôt comme des enfants ? Où New York où l’argent n’a pas de race ?



J’ai apprécié le débat social sur l’élimination de la discrimination. À quelle vitesse peut-on changer les mœurs ? Quelle attitude, paternaliste ou ouverte, doit-on utiliser ? Peut-on prétendre que le libre choix d’un peuple (les noirs) n’existe pas sans éducation ? Dans le sud des États-Unis, la résistance négative des blancs s’explique par le fait que leurs ancêtres ont pratiqué l’esclavage. Ça laisse des traces. Longtemps. Si chaque individu peut changer rapidement pourvu qu’il le veuille, une société change plus lentement, généralement à la vitesse de ses plus résistants. On peut présumer que l’histoire se passe dans les années 50, alors qu’en Alabama, il y avait encore de la ségrégation dans les écoles, les restaurants, le droit de vote, les transports en commun.

Un livre à lire.

Bonne lecture !

Suzie Pelletier
Merci d'encourager l'édition indépendante



samedi 17 octobre 2015

Écriture - Incohérence dans l'univers du livre au Québec

* * * Autres textes sur l'écriture * * *


Il y a quelques heures, le Huffington Post Québec a publié mon dernier billet concernant l’industrie du livre au Québec. J’y critique notre système gouvernemental qui, supposément, vise à protéger l’industrie du livre au Québec. J’ai mes doutes, du moins je constate que les auteurs n’y trouvent pas leur compte. Rarement. Je remets ici le texte complet :

* * * * * *
Incohérence dans l’univers du livre au Québec

Un jour, j’ai décidé de publier mon roman. J’ai donc communiqué avec le ministère de la Culture pour connaître le moyen d’obtenir une subvention. « Voyons madame ! Il faut appeler les éditeurs ! » m’a-t-on répondu sur un ton condescendant. Comme si j’étais une imbécile qui dérangeait. Un maringouin qu’on chasse du revers de la main, ou qu’on écrase. Aux yeux de l’État, j’étais devenue une auteure. Choquée, je suis restée sans répartie. J’ai étouffé ma question suivante : « Qui a eu cette idée farfelue d’appeler le fournisseur de services pour obtenir une subvention ? »
Un MBA en poche, l’expérience de partenariat bien encrée sous ma peau, j’avais le moyen de négocier mon contrat d’égal à égal. Persuadée que mon livre était une œuvre originale, je savais que les lecteurs allaient l’adorer. Vous aurez compris que je ne viens pas du milieu littéraire. Ce matin-là, j’ai compris que le système était discriminatoire au point de tuer la création. J’ai passé ma carrière à convaincre les gestionnaires que l’adoption des valeurs d’équité est un élément clé de la croissance d’une entreprise. Je repère facilement les failles dans un système. Le programme de subventions visant à protéger notre littérature québécoise a été bâti en vitesse dans les années 60 sans jamais être remis en question. L’incohérence me saute aux yeux.
Examinons une analogie. Imaginer que le gouvernement propose un plan d’aide financière pour rendre nos maisons plus écologiques. Les entrepreneurs en construction deviendraient « agréés » et on aurait l’obligation de passer par eux pour obtenir une subvention. Ainsi, les propriétaires devraient s’en remettre aux firmes de rénovation qui possèderaient le droit de choisir les projets qui seraient exécutés… ou pas. On acheminerait la même demande à plusieurs compagnies… pour ne pas perdre d’énergie à attendre une réponse qu’on prévoit de toute façon négative. Combien de temps cela prendrait-il pour que les projets qui enrichissent le milieu de la construction soient toujours privilégiés au détriment des petits travaux moins payants ? Indépendamment de la qualité et de l’efficacité des ouvrages. Les firmes se défendraient en affirmant haut et court qu’elles sont là pour faire de l’argent… qu’elles doivent survivre. Les propriétaires crieraient à l’arnaque ! On traînerait l’industrie de la rénovation en cour pour favoritisme. Le gouvernement serait bousculé par la sphère médiatique. Ça fera la une des journaux et on en parlerait à Enquête et à La Facture.
Pourquoi plaçons-nous nos auteurs dans un système qui préconise la discrimination à outrance ? Si vous êtes connu et que vous avez une idée de livre, on s’imaginera facilement les dollars couler à flot vers les coffres de l’entreprise. L’éditeur agréé déroulera le tapis rouge. Vous ne savez pas écrire ? Pas grave, les Ghost Writers existent pour vous venir en aide. On paiera pour tout ! La rédaction, la correction, l’infographie, l’impression, la mise en marché. Pourquoi pas une avance substantielle pour vous accrocher ? Si vous n’êtes pas connu, que vous en êtes à votre premier livre, l’éditeur évaluera que le retour sur l’investissement (ne devrait-on pas dire sur la subvention ?) sera médiocre. Les chances sont qu’on n’ouvrira pas l’enveloppe qui contient votre manuscrit.
Dans un tel environnement, la décision de publier un ouvrage par rapport à un autre perd son sens. Le mercantilisme prend le dessus sur l’équité. Ce n’est plus la qualité de l’œuvre qui sert de base à la publication, mais plutôt l’argent que l’éditeur espère obtenir. L’équation est simple : plus vous êtes connu, plus le revenu sera élevé. Avec le temps, à force d’appliquer ce système tordu, il devient malicieux et rabaisse le travail de l’auteur, la matière première de l’industrie (pas d’auteur, pas de livre). Cette manière d’administrer l’aide financière gouvernementale date d’un autre siècle et devrait être revue.
La discrimination systémique est la pire qui existe. Elle s’installe insidieusement sans qu’on s’en aperçoive; on finit par croire que c’est normal. C’est la loi. C’est le règlement. On se cache derrière la politique qui devient la règle. On persiste à discriminer, sans se poser de questions. Ne m’a-t-on pas dit récemment que les livres qui ne sont pas choisis par les maisons agréées sont tous simplement… mauvais ? Comment peut-on affirmer une telle connerie si on n’ouvre pas l’enveloppe ? Et si je choisissais de ne pas passer par des subventions ?
Une incohérence malicieuse qu’on ne détecte plus.
Pourtant, c’est le lecteur qui y perd au change. Combien de manuscrits jaunissent dans un fonds de tiroir. L’écœurantite aigüe et la démotivation face à un système qui ne lui reconnaît aucun droit empêcheront certains créateurs de produire d’autres textes qui pourraient peut-être changer le monde.
Si on avait bien structuré le programme, l’auteur ne ferait qu’une seule demande à un organisme indépendant qui jugerait son œuvre sur des critères de qualité et non pas des principes mercantiles. Puis l’écrivain se tournerait vers les maisons d’édition pour négocier un contrat. D’égal à égal. Ça changerait l’univers du livre, vous ne croyez pas ? En prime, il n’y aurait plus aucune raison de bloquer les droits d’auteur pour sept ou dix ans, parfois à vie.
Tout le monde gagnerait dans un système aussi équilibré ! Le statut d’artiste serait mieux respecté alors que la qualité de l’œuvre serait au cœur de la décision de publier. Les droits d’auteur demeureraient sous le contrôle de leur propriétaire réel. L’écrivain deviendrait un vrai partenaire dans l’industrie du livre. L’argent des contribuables restant limité, un auteur pourrait participer au financement de la mise en marché de son livre sans qu’on le traite de nul. Il n’y aurait plus d’agrément; les maisons d’édition seraient libres de signer des contrats en dehors de critères établis par le gouvernement. La diversité des processus serait valorisée. Surtout, les lecteurs seraient choyés par une plus grande variété de produits forts originaux.
Je suis certaine que plus de gens s’intéresseraient à ce segment de l’industrie des arts. On en parlerait dans les journaux, à la une SVP ! La télé s’emparerait de la nouvelle. On discuterait tous les jours de littérature à la radio. La population lirait plus et on vendrait plus de livres. Je vois déjà le Gala littéraire ! En décembre… après les Salons du livre de l’automne. Pour donner des idées de cadeaux de Noël. Il y aurait le spécial de juin… pour les achats qu’on traîne dans sa valise en vacances.

Ça changerait le monde…
* * * * * *

Vos commentaires seraient appréciés.

Bien évidemment, mon texte ne fera pas l’affaire de tous. J’ai même hâte de voir qui fera
des commentaires... peut-être que ce sera comme tout ce qui touche à la littérature : on ignorera. 

Suzie Pelletier
Merci d'encourager les éditions indépendantes

mardi 13 octobre 2015

Lecture - Danny Émond - Le repaire des solitudes


Rubrique sur la lecture
Auteur : Danny Émond
Livres : Le repaire des solitudes 
Type de roman : recueil de nouvelles
Éditions Boréal
Site web : http://www.editionsboreal.qc.ca


Je connais Danny depuis déjà quelques années. L’écriture est si importante pour lui qu’il y a consacré ses études universitaires. Il vit pour écrire. Il respire les mots. Un jour, il a publié une nouvelle sur un site web; le texte m’a étonné. Très dense : une économie de mots pour un maximum d’émotion. Noir et dur avec un soupçon d’espoir. Quand j’ai discuté avec lui sur son choix d’histoire, il m’a simplement répondu qu’il voulait donner une voix à ceux qui n’en avaient plus.

Dans son recueil de nouvelles paru cette année, Danny nous présente une gamme de personnages qui n’ont plus rien à perdre. La médiocrité de leur vie les enveloppe et les mène à la déchéance. On ne sait pas quand la situation s’éteindra, soudainement peut-être, ou si l’espoir renaîtra. Les textes nous laissent perplexes face à des expériences de vie qui dépassent le commun des mortels, parce que les héros de ces nouvelles vivent en marge de la société. Sans cette voix que leur donne l’auteur, ils vivraient et mourraient dans l’oubli.

La pochette du livre mentionne que : « Danny Émond évoque avec une extraordinaire justesse la condition d’une certaine jeunesse contemporaine, aux prises avec la précarité matérielle, avec la fragilité de ses rêves, avec la laideur des villes. » Je suis d’accord.

À ceux qui adorent les livres qui se terminent bien et où l’amour est aspergé d’eau de rose, il vaut mieux vous abstenir. Mais si vous aimez explorer des styles différents où la qualité de l’écriture n’a d’égal que la profondeur de l’âme humaine, vous serez bien servi par ce recueil. Vous ferez comme moi. Je traîne ce bouquin depuis quelques semaines dans mes bagages pour lire une nouvelle quand j’ai quelques minutes. Une à Chicoutimi, aune autre à Shippagan, quelques textes à Saint-Roch-des-Aulnaies et, pourquoi pas, deux à Sherbrooke. J’ai dégusté chaque nouvelle, une par une.

Danny vit à Québec et il est titulaire d’une maitrise en littérature. Poète et nouvelliste, il poursuivra son chemin dans l’univers littéraire en explorant d’autres avenues littéraires comme le roman. Sa carrière est déjà bien entamée et elle se poursuivra encore pour de nombreuses années. Je lui souhaite tout le succès qu’il mérite.






Bonne lecture ! 

Suzie Pelletier

jeudi 8 octobre 2015

Écriture - Les journaux et les livres


J’ai aussi traité de ce sujet sur le blogue du Huffington Post Québec. Pour voir l’article, veuillez utiliser le lien suivant : 


Quand on devient écrivain et qu’on ne jouit pas déjà d’une notoriété publique, il est très difficile de se faire connaître. Au fil des ans, je me suis intéressée à ce phénomène. Je suis lectrice depuis de nombreuses années et je fouille l’internet régulièrement pour trouver de nouveaux romans qui ne sont pas sur les rayons de nos librairies. Un jour, je me suis abonnée à la revue littéraire LETTRES QUÉBÉCOISES. Je les remercie d’ailleurs pour leur travail incessant afin de faire connaître nos écrivains québécois. J’aime beaucoup ce périodique spécialisé qui commente à chaque édition une quinzaine de livres de styles différents et de catégories variées. Chaque fois, je reste perplexe. Je me définis depuis longtemps comme un rat de bibliothèque et une visiteuse régulière de librairies. Comment ça se fait que j’aie rarement entendu parler des livres dont la revue nous parle ? D’où sortent-ils ? 

Intuitivement, je réalise qu’on discute peu de romans, d’essais ou de BD dans la presse parlée et écrite. Il existe bien quelques émissions à la télé et à la radio qui sont consacrées aux livres, mais elles ne sont pas assez nombreuses pour couvrir l’ensemble de la littérature québécoise, surtout si on tient aussi à promouvoir ce qui nous est proposé d’ailleurs. 

J’ai donc décidé de faire un petit exercice statistique. Abonnée à La Presse+ depuis longtemps, je la lis tous les matins, avec mon premier café de la journée. J’ai noté les passages sur les livres et j’ai comparé avec le contenu qui touche les arts en général et les sports. Les chiffres concernant l’actualité me servent plutôt de toile de fond. Voici les données que j’ai ramassées entre le 1er et le 30 septembre 2015, en plein au cœur de la rentrée littéraire. 

Étonnant ! Moins de 1,2 % des interventions dans ce journal au cours du mois de septembre 2015 concernait les livres. Durant la période, La Presse+ a produit cinq spéciaux sur le cinéma (86 pages pour 3 %) en plus de ce qui se retrouve tous les jours sur le sujet dans les sections Actualité, Débats et Arts. Même si le hockey n’est pas encore commencé, les sports occupent 12 % de l’espace journalistique, cinq fois plus de place que la littérature. 

Mais, pourquoi ne parle-t-on pas de livres ? 

Considérant que la littérature n’intéresse personne, les journaux contribuent à garder les gens dans l’ignorance de tous les magnifiques romans, BDS et essais qui ont été écrits par des Québécois passionnés. Pourtant, l’idée que les Québécois ne lisent pas est surfaite. Si on en faisait la promotion autant que de notre cinéma peut-être que l’engouement exploserait, au grand bénéfice de tous les artisans de la chaîne du livre. 

Sous un prétexte monté de toute pièce, c’est-à-dire que la lecture n’intéresse personne, on applique une théorie pessimiste et négative qui devient loi par elle-même :

Moins on parle des livres, moins les gens s’y intéressent; moins les gens s’y intéressent, moins on en parle. On ne va nulle part avec une telle philosophie. 


J’invite nos propriétaires de journaux à s’inspirer plutôt du slogan des saucisses Hygrade. La compagnie n’a-t-elle pas vendu des milliards de saucisses, raflant au passage des milliards de dollars ? 

Allez ! On chante ensemble ! Plus on parle des livres, plus les gens lisent, plus on vend; plus ils lisent, plus on parle de livres, plus on vend ! 

Essayez ! Je suis certaine que ça marchera ! À force de répéter ce slogan sur toutes les plateformes écrites et visuelles, il deviendra loi ! 



lundi 5 octobre 2015

Lecture et écriture - La revue de la nouvelle XYZ



J’ai dans mes tiroirs et la mémoire de mon ordinateur, plusieurs nouvelles que j’ai écrites au fil des  ans. Ces histoires inventées font le plus souvent entre 1 500 et 2 500 mots. Elles se terminent souvent en chute de l’intrigue, parfois plutôt étrangement; autrement, il ne s’agit que d’une belle histoire. L’un de mes projets d’écriture pour les prochains mois vise à mettre ensemble quelques-uns de mes textes dans un recueil. Un thème particulier les liera ensemble, créant une sorte de tout, une mosaïque littéraire. Comment choisir celles qui sont pertinentes ? Comment donner à chacune d’elles ce petit quelque chose qui va faire que le lecteur tournera la page impatiemment pour lire la prochaine ? 

Écrire et publier des nouvelles est un art qui va bien au-delà de prendre un crayon et raconter une histoire à notre goût. Il faut travailler fort pour ajuster les textes à une belle harmonie. Comme une symphonie musicale où les instruments différents s’entretiennent l’un et l’autre. Bon ! Assez divaguer ! Maintenant que j’ai compris, je commence par quoi ? Je me souviens de ce que Stephen King explique dans son livre On writing : A Memoir of the Craft : « Pour savoir bien écrire, il faut d’abord apprendre à lire. » Lire beaucoup. Lire de tout. Je remercie d’ailleurs Danny de m’avoir recommandé ce livre fort inspirant. Comment faire ? Les recueils de nouvelles, ça ne court pas les rues ! Encore moins les librairies ! J’ai bien celui de Danny, mais il a un style particulier... (je vous en parlerai bientôt sur ce blogue). 

Rien ne me fera lâcher le morceau. Il y a sûrement un endroit quelque part où je pourrai trouver des nouvelles que je pourrais lire et apprendre de l’exercice ! À moi de trouver ! Je m’installe donc à mon ordinateur et j’ouvre mon fureteur. J’inscris « nouvelles ». Je vois apparaître à l’écran une série de sites journalistiques québécois et français. Pas vraiment ce que je cherche. J’essaie à nouveau en tapant : « publier des nouvelles ». On me retourne plusieurs sites plus ou moins intéressants. Je persiste et affiche une troisième page remplie de site Web. Un titre m’accroche. XYZ. La revue XYZ de la nouvelle. Qu’est-ce que c’est que ça ? Je clique. WOW ! 

Il s’agit d’une revue qui permet à des nouvellistes de proposer leurs écrits. Il y a quatre publications de la revue par année, chacune possédant un thème particulier. Quinze à vingt textes par numéro. Des auteurs qui ont chacun leur style, leur goût et leur façon de nous faire vibrer. C’est décidé ! Je m’abonne ! En un rien de temps, ma demande est à la poste. Ça ne va pas assez vite ! Je veux lire tout de suite ! Je saute dans mon auto et je me rends chez mon libraire le plus près. Il a l’édition 122; celle de l’été 2015. 



Fébrile, je retourne chez moi et, alors que ma tasse de thé refroidit sans que j’y touche, je dévore ce recueil sur le thème du tarot. Avec mon abonnement, on m’envoie le numéro 123 dont le thème est « récompense ». Je suis au comble du bonheur. J’avais tout de même un peu peur que ces textes soient si différents des miens que je n’arriverais pas à en profiter. Je me trompais. 




En fait, j’ai envie d’envoyer l’une de mes nouvelles, juste pour voir. Une sorte d’évaluation. Est-ce que je me sens prête à plonger ? J’ai des flottements au cœur; si on ne voulait pas de mes textes. Je me sens fébrile. J’hésite... Voyons donc ! D’où viennent ces papillons ? Je suis l’auteure de la série « Le Pays de la Terre perdue » : six tomes; 3 000 pages; plus de 750 000 mots; en quatre ans et demi. Je sais qu’il est normal d’avoir des doutes. C’est le cas pour chaque projet d’écriture. J’ai la tête dure; je suis butée; le travail ne me fait pas peur. C’est certain que je vais réussir avec mes nouvelles ! XYZ... ou quelqu’un d’autre. 

Je réfléchis encore. Je continue de lire. Je poursuis mon écriture. Je vous tiens au courant... 

Bonne lecture ! 

Suzie Pelletier


vendredi 2 octobre 2015

Lecture - Lucie Roy (deux livres)



Rubrique sur la lecture
Auteur : Lucie Roy
Livres : Alaska opération survie
             Pointe-du-loup opération sauvetage
Type de roman : roman d’action, suspense
Éditions Véritas Québec
Site web : http://www.editionsveritasquebec.com

Si ce premier livre avait été un film, je l’aurais écouté avec les fesses installées sur le bout de ma chaise. Quel mélange explosif ! Le feu du suspense, l’intrigue en escalade et le secret d’État désarmant; le tout glissant sur un désert de glace. Je n’avais pas encore lu dix pages qu’il y avait déjà des morts.

 Alaska est l’histoire d’un chercheur qui travaille pour le gouvernement américain dans un laboratoire installé en Alaska. Le Dr Derek Callahan se trouve par hasard mêlé à une sordide histoire de meurtre dans son milieu de travail. L’homme abattu est son ami de surcroit. Saisissant qu’il venait de tomber sur une affaire louche et secrète, il prend les preuves et disparaît dans la nature froide et austère. Son évasion crée des remous de Washington à Montréal en passant par l’Alaska. Notre héros se réfugie à Ville-Marie au Témiscamingue avant de réussir à dénouer toute l’histoire. En qui peut-il avoir confiance alors que ses amis se transforment rapidement en ennemis ?

Explosif, je vous dis !

Je n’avais lu que quelques pages de ce deuxième livre que j’étais déjà essoufflée. Suite au viol et de la disparition de sa femme Meggan, Derek Callahan s’élance aux trousses du responsable pour retrouver son épouse.

Derek s’impatiente face à la lenteur apparente de l’enquête des corps policiers; ainsi, inquiet et téméraire, il utilise quelques informations trouvées dans sa maison saccagée et dans les affaires de sa femme pour trouver plus rapidement Meggan. Par contre, à l’intrigue se collent d’autres détails qui rendent sa quête plus difficile. Blessures, morsures, frissons et frayeur au cœur du territoire Algonquin sont le lot de nos héros. Derek et Meggan nous feront voyager dans les forêts du Témiscamingue, sur les lacs immenses et les rivières rapides de ce coin de pays, de nuit comme de jour.

Aussi explosif que le premier, ce livre nous enivre de vitesse dans une suite d’évènements qui ne pourront être élucidés qu’à la dernière page.


Lucie Roy est native de l’Abitibi-Témiscamingue. Ça parait. De toute évidence, elle adore faire connaître aux lecteurs cette magnifique région remplie de grands espaces et de magnifiques réservoirs d’eau. On sent par ses écrits qu’elle affectionne l’exploration en nature autant que celle de l’âme humaine.

Adjointe administrative de métier et mère de famille, elle nous propose des romans d’action remplie de turbulence et où chaque bout d’intrigue nous incite à tourner la page et commencer, tout de suite, le prochain chapitre.


Bravo ! J’ai déjà hâte que tu nous sortes un troisième livre.



Bonne lecture ! 

Suzie Pelletier