mercredi 25 novembre 2015

Lecture - Denis-Martin Chabot


Rubrique sur mes lectures: 
Auteure : Denis-Martin Chabot
Roman : rue Sainte-Catherine Est - métro Beaudry
Genre :  Roman
Année : 2015
Édition : La semaine

Mon ami s’appelait Jimmy. Nous étions étudiants au CÉGEP de Sherbrooke, moi en sciences pures, lui en science de la santé. Il rêvait de devenir médecin. Un jour, j’ai remarqué qu’il observait les garçons avec un regard similaire au mien. Oups ! Ayant souhaité qu’il m’invite à sortir avec lui, j’étais fort déçue. Je suis tout de même restée son ami. C’était en 1972. En 1974, son frère l’a trouvé avec un autre gars dans son lit. Le drame. L'intolérance. Les pleurs de sa mère. La rage de son père. On l’a mis à la porte. Comme ça, un vendredi soir. Jimmy a cessé ses études et emprunté la 10 pour se rendre à Montréal. Je suis partie pour Québec quelques semaines plus tard pour y faire mes études. J’ai perdu Jimmy de vue; complètement. C'était bien avant Facebook. Dans le milieu des années 90, j’ai appris par hasard qu’il était mort dans le quartier gai à Montréal. Du SIDA. Je me suis souvent demandé ce qui était arrivé à Jimmy après son départ de Sherbrooke. Denis-Martin m’apporte une sorte de réponse, parce qu’il nous rappelle avec une grande sensibilité la vie des gais de cette époque.

Le roman de Denis-Martin nous ramène aux années 70 alors qu’un vent de liberté suivait la Révolution tranquille. Mais on devinait que cette refonte sociale profonde avait oublié les gais et ce, malgré le bill omnibus de Trudeau (1969) qui décriminalisait les actes homosexuels entre adultes consentants. Dès lors, le quartier gai de Montréal devient un havre où les homosexuels pouvaient assumer leur différence sans entrave et sans jugement. Ils répondaient à la discrimination encore présente dans la société par le seul moyen sur lequel ils avaient le contrôle total : un comportement sexuel débridé. Comme l’explique si bien l’auteur dans son livre « c’était dans l’air du temps, la révolution sexuelle au cours de laquelle les gais s’émancipaient enfin après des siècles de discrimination ». D’ailleurs, ça en tuera un grand nombre; une perte pour la société québécoise. Le SIDA fait aussi son apparition à cette époque et frappe avec force dans le quartier gai de Montréal.

L’auteur possède une plume fort habile, idéale pour nous faire pénétrer dans ce secteur de la ville qu’on connait mal, à moins d’être soi-même homosexuel. Athlète de l’écriture, Denis-Martin nous présente des scènes souvent crues, mais essentielles à la compréhension. Je retiens surtout le tableau social de cette communauté qui a choisi de vivre dans une sorte de ghetto pour s’abriter contre la discrimination et parfois la violence à son égard. Le roman « Rue Ste-Catherine Est - métro Beaudry », se lit très bien. Avec émotion, j’ai saisi ce que Jimmy avait probablement subi : une solitude atroce causée par le rejet des siens, compensée par un comportement sexuel effréné et insouciant. Comme si un génie malin voulait rendre ce désordre humain encore plus terrible, les personnages de Denis-Martin Chabot meurent du SIDA ou restent séronégatifs sans qu’on découvre pourquoi ni comment; une sorte de roulette russe qui s’associe avec le hasard.

Lire le roman de Denis-Martin Chabot m’a permis de mieux comprendre cette période trouble et parfois cachée de notre histoire. Une blessure sur notre vécu collectif. Je me souviens aussi que, si notre société moderne et occidentale est aujourd’hui plus inclusive des homosexuels, il faut se rappeler que la discrimination des gais est encore présente dans beaucoup de pays de par le monde. On les emprisonne et on les tue, par le seul fait qu’ils sont différents.

Qui est Denis-Martin Chabot ?  Comme beaucoup d’adeptes de reportages bien ficelés, j’ai d’abord connu Denis-Martin par ses interventions à Radio Canada. Entre autres, il s’est rendu à Mégantic pour nous informer du déroulement des évènements tragiques. De plus, lors des dernières élections vous l’aurez remarqué avec ses capsules « épreuve des faits ». S’il dit lui-même qu’il est chanceux de recevoir un salaire pour accomplir sa passion du journalisme tous les jours, l’homme est également poète, romancier et nouvelliste. Mes recherches pour composer ces lignes m’ont aussi appris qu’il s’intéresse au théâtre, ayant joué quelques rôles et écrit quelques pièces. 

Pour les férus de l'histoire québécoise, vous serez captivés par cette épisode peu connue ainsi que par ses intervenants, même s’ils sont fictifs. Pour les amoureux du suspense, sachez qu’il s’agit d’un bouquin où le meurtrier tue sans but apparent, choisissant les victimes au hasard. Pour les autres, vous apprécierez le style d’écriture de l’auteur. 

Je suis heureuse de vous annoncer qu’il y aura un deuxième tome ! Bravo à Denis- Martin Chabot !

Bonne lecture ! 

Suzie Pelletier











jeudi 19 novembre 2015

Le terrorisme. Une réponse. Accueillir les Syriens.

Un texte similaire a aussi été publié sur le Huffington post Québec (blogue) le 17 novembre 2015
Le terrorisme. Une réponse. Accueillir les Syriens.
J’ai mis quelques jours avant d’écrire ce billet. L’horrible carnage à Paris, vendredi dernier, suivait de près un autre à Beyrouth et l’incident de l’avion russe tombé en Égypte. Ça s’ajoute à Charlie Hebdo, les tueries à Saint-Jean-sur-le-Richelieu et à Ottawa. Depuis des jours, je ne desserre pas les dents. Je cherche une réponse. Je voudrais en découdre avec les terroristes, casser des têtes, vider une mitraillette… La douleur me fait réagir à chaud. Avec une violence qui ne m’appartient pas. Est-ce la bonne manière ? Non, surtout si la réaction est ancrée dans la peur.
Les Syriens…
C’est dans la nature humaine de s’efforcer de trouver un coupable dans les jours qui suivent une telle horreur… que dis-je ? Dans les heures qui suivent ! Je travaillais tout près de l’aéroport Pierre-Elliot-Trudeau au moment des évènements de septembre 2001. Les Arabes furent rapidement identifiés comme les auteurs de l’odieux crime. Mon ami musulman de race noire n’a pas été importuné; celui qui venait du Maroc ne pouvait faire un pas dans l’édifice sans ressentir le malaise qui envahissait les corridors.
Cette fois, on s’inquiète des 25 000 Syriens que notre nouveau gouvernement canadien veut intégrer chez nous, dans nos villes, nos villages. Avant le 13 novembre 2015, nous étions heureux de recevoir ces familles, ces gens qui souffrent des effets d’une dictature qui est presque sans précédent sur la planète. Mais, depuis ce vendredi de tuerie à Paris, nous doutons. S’il y avait un terroriste parmi eux ? Pourquoi cette réaction ? Pourtant, les disciples de l’État islamique sont aussi Français, Belges, Américains, Canadiens, Québécois même.
Se comporter ainsi donne raison à ceux qui menacent constamment les valeurs fondamentales de notre société occidentale. Ils nous font peur, nous forcent à remettre en question nos décisions. Pourquoi Justin Trudeau veut-ils ouvrir nos bras aux Syriens ? Un passeport syrien n’a-t-il pas été découvert près d’un kamikaze au stade de France à Paris ? Attention ! Ce passeport était faux… rien n’y fait, il faut trouver un coupable.
NON ! Choisissons de nous tenir debout. Nous sommes une nation qui, au fil des siècles de son existence, a recueilli de nombreux réfugiés qui cherchaient un havre pour rebâtir cette vie brisée par la tyrannie, la guerre et l’horreur. Faisons de même avec les Syriens. Réagissons plutôt en relevant nos manches et en travaillant fort pour faire un pied de nez au terrorisme. S’il le faut, prenons un peu plus de temps que le prévoit Justin Trudeau, mais œuvrons pour bien accueillir ces réfugiés afin qu’ils puissent participer activement à la vie du Québec.
C’est la meilleure réponse socio-économique contre le terrorisme international fomenté par l’État islamique. Une preuve que nous n’abandonnerons jamais nos valeurs.
Cessons d’avoir peur ! Agissons !

Suzie Pelletier