samedi 30 janvier 2016

Voyage - Nostalgie à Toronto




La discrimination fait mal. Longtemps. Ça ne s'oublie pas. Jamais. 
Un matin récent, je marchais sur la rue Younge, à la recherche de vieux repères. Je me suis aussitôt souvenue de cet été 1975 alors que je visitais régulièrement Toronto avec des amis. Nous empruntions le bus de Barrie afin de passer la journée dans le « Downtown ». Nous déjeunions dans un petit bistrot, une ancienne taverne je crois, en compagnie de travailleuses de la nuit, encore maquillées et chaussées de pantoufles colorées. Puis nous visitions les musées, flânions dans les parcs et mangions des hot-dogs et des frites graisseuses avant de reprendre le bus de retour...
Un jour, afin de me choisir un chapeau de plage, nous avons mis les pieds dans le légendaire Eaton Store où l'on pouvait acheter de tout, disait-on. C'était au temps du vieil édifice situé au coin des rues Younge et Queen, celui détruit en 1979. L'ancien ascenseur à cloche nous a transportés au dernier étage, le sixième ou peut-être le septième ; je ne me souviens plus. Mes trois amies, plus jeunes que moi, s'agitaient et jacassaient fort. Le fait que nous parlions français dérangeait également. J'ai pris quelques articles puis je me suis approchée du miroir. Une femme, assistante d'étage de toute évidence, nous surveillait d'un regard sévère, insulté même. J'ai décidé de ne pas m'en laisser imposer par une Anglaise de Toronto ! J'ai commencé à bouffonner devant la glace, plaçant les chapeaux à différents angles sur ma tête. J'ajoutais des grimaces qui faisaient rire mes amies aux éclats. Ça aussi, ça dérangeait, chez Eaton à Toronto. En 1975, je fêtais mes 21 ans, mais j'avais l'air d'en avoir 14. Je comprenais la méprise, mais je savourais ce jeu de rôle qui faisait grimper d'un cran l'attitude de la mégère. Ce qui devait arriver arriva.
La chipie grincheuse a exigé que des gardes de sécurité nous escortent dehors. Le ton condescendant et agressif, tout comme l'usage de l'expression «french tramps» à notre égard, m'a fait réagir. J'ai demandé qu'on m'explique en français ce qui se passait. J'espérais ainsi qu'un autre membre du personnel s'en mêle et diffuse la crise. Ça n'a pas marché. La sorcière s'est mise à crier, m'attrapant brutalement par le bras pour me pousser vers l'ascenseur. Pas l'une de mes comparses d'apparence plus vieilles ; juste moi. Je n'ai pas dit un mot. Je sentais que mes amies avaient peur. Pas moi. J'étais insultée. On me discriminait en raison de mon âge présumé et de ma langue. Je fulminais doublement, sans pouvoir en découdre avec les agents. 
Une fois dehors, j'ai marché jusqu'au coin de rue suivant pour repérer un policier. Dans un anglais presque parfait, je lui ai expliqué la situation en lui présentant au passage mon permis de conduire pour prouver mon âge. Les marques fort distinctives de l'ecchymose qui se formait sur mon bras servaient d'évidence. Je voulais porter plainte. Il m'a offert de venir avec moi dans le Eaton Store pour obtenir le nom de mon agresseur. Mes amies ont suivi sans parler. 
Une fois rendu au lieu de l'incident, le policier s'est adressé à la mégère. Furieuse, hurlant à tue-tête qu'elle ne voulait plus me voir sur l'étage, elle a réussi à attirer son superviseur. Satisfaite de ce premier résultat, j'attendais calmement, sachant que ma vengeance n'avait pas de prix. Quand le gérant m'a tutoyé en français, je l'ai intimé de me vouvoyer, appuyant sur le point que j'étais une dame sortie de l'enfance depuis longtemps. Puis j'ai continué la conversation en anglais. Après tout, il fallait que l'Anglaise saisisse sa méprise...
Réalisant que j'étais majeure et que ma plainte serait prise au sérieux, le visage du gérant est devenu blanc, puis il a viré au vert quand il a compris que j'étais un officier des Forces canadiennes vivant à Borden. J'y suivais un cours de quelques semaines, mais je me suis bien gardée de préciser ce détail. J'ai cru que la mégère allait faire une crise d'apoplexie et, pendant quelques secondes, j'ai même eu pitié d'elle. 
Par contre, j'ai vu son expression haineuse quand elle a prononcé à voix basse: «damned french tramps». 
Du haut de mes cinq pieds trois pouces et mes 110 livres, j'ai vu rouge. Je l'ai fusillée d'un regard meurtrier, ce qui l'a fait reculer de quelques pas. Le gérant se confondait en excuses, repoussant son employée qui continuait sa tirade. Dans tout ce flot de mots exprimés dans ma langue seconde, j'ai entendu «Stop! Or you will be fired on the spot!» («Arrêtez ! Sinon vous serez congédiée sur-le-champ !») 
Je n'avais plus besoin d'insister ; j'avais passé mon point. La mégère paierait pour son geste. Porter plainte devenait superflu.
Je suis sortie du magasin et j'ai remercié le policier pour son intervention. Puis mes amies et moi avons retrouvé la rue Younge afin de poursuivre notre escapade. Le lendemain, alors que je visitais Wasaga Beach en bordure du lac Supérieur, un chapeau acheté chez Woolworth trônait confortablement sur ma tête. 
Cette histoire m'avait profondément marquée ; au point de me souvenir de tous les détails 40 ans plus tard. 
La discrimination fait toujours du tort. Il faut l'éliminer. Cessons de juger les gens sur des critères qui n'ont pas leur place dans la société.

Suzie Pelletier
Merci d'encourager l'édition indépendante

lundi 18 janvier 2016

lecture et écriture - Virages la nouvelle en revue


Depuis quelque temps, je tente de me faire une tête sur ce qui existe en matière de nouvelle, ce produit littéraire flexible en genre et en style qui ne dépassent pas les 5, 000 mots. J’ai déjà écrit plusieurs billets sur des recueils et des revues de nouvelles que j’ai lus.

http://lavieestbelle54.blogspot.ca/2015/10/lecture-danny-emond-le-repaire-des.html

http://lavieestbelle54.blogspot.ca/2015/10/lecture-et-ecriture-la-revue-de-la.html

Dans les dernières semaines, j’ai lu beaucoup de ces textes courts fort intéressants et j’en feuilletterai encore plus avant de décider ma propre manière de présenter les miennes. J’imagine que je devrai plonger un jour en faisant un choix ou, probablement, deux ou trois avenues pour travailler mes nouvelles. Pour le moment, je continue de me documenter en consultant ce que les autres ont fait.

Pour le lecteur qui préfère la fiction, les courts textes conciliés dans un ensemble font changement aux romans complexes. J’aime qu’un recueil de nouvelles traine autour de moi, sur le coin de mon bureau ou dans mon sac à main. J’adore lire, mais parfois, le temps manque pour bien plonger dans gros un bouquin et le savourer pleinement. Pensons, par exemple, à ces périodes de corrections d’épreuves. Je digère tellement de mots et de phrase dans une de ces journées que je n’ai pas le goût, le temps ou même l’énergie nécessaire pour plonger dans un gros roman. Dans ces temps-là, la nouvelle vient combler à merveille mon besoin de me perdre dans une fiction passionnante, précise et courte.

Dans mes tiroirs d’écrivaine, s’accumulent plusieurs textes qui se terminent en chutes alors que d’autres ont l’allure d’un mini roman. La plupart sont des histoires que j’ai inventées et qui s’inscrivent dans l’une ou l’autre des catégories : amour, contemporain, philosophique, policier, suspenses, meurtres et mystères et même... horreur. D’autres sont de simples récits, des évènements que j’ai vécus ou dont j’ai été le témoin. 

En fouillant l’internet, j’ai découvert la revue Virages dont le siège social est à Toronto. Cette revue canadienne de langue française vise à mettre en valeur la littérature canadienne-française. On y trouve de nombreuses nouvelles inédites ainsi que le recensement de recueils de nouvelles en langue française. Je me suis abonnée, juste pour voir. J’ai aimé dès le premier coup d’oeil.


La lecture de ces revues permet de consulter rapidement différents genres littéraires sur le même thème ainsi que des styles d’écriture fort variés. Chaque texte soumis est évalué par un comité de sélection et il ne sera publié que s’il répond à des critères de qualité tout en s’inscrivant à l’intérieur du thème proposé pour la revue suivante. Les écrits ne doivent pas dépasser 3 500 mots, ce qui est déjà considérable pour une nouvelle. Cette revue est une belle plateforme de visibilité pour les nouvellistes qui veulent « tester » leur produit littéraire. Cependant, il faut comprendre que votre texte sera accepté ou refusé, on ne vous offrira pas de coaching pour l’améliorer, sauf pour la correction. 

Dans la revue de juin qui contenait deux numéros (72 - été 2015 et 73 - automne 2015), on y retrouve des textes sous le thème « des Héritages ». Quant à celle de décembre (74 - Hiver 2015), elle nous présente des récits au sujet de croisières.

On peut s’abonner à cette revue, ainsi que consulter les méthodes utilisées pour soumettre un texte, en visitant leur site web : 


La nouvelle en tant que produit littéraire mérite d’être mieux connue. C’est un art que de rédiger un peu de mots un texte sensible, émotif et où les personnages sont merveilleusement bien décrits par des caractéristiques simples, mais fort éloquentes. 

Bonne lecture !


Suzie Pelletier
Merci d'encourager l'édition indépendante

lundi 11 janvier 2016

Résolution du Nouvel An - La lecture

Ha ! Non ! Pas encore ! C’est le 11 janvier et on parle encore de la résolution du Nouvel An ! 
Pas tant que ça, je vous le promets ! Je ne pouvais tout de même pas passer à côté de l’occasion. Quand même ! 
Voici donc ce temps de l’année où l’on s’oblige à prendre des résolutions en vitesse, sans vraiment réfléchir. Là, sur le coup. Peut-être saviez-vous déjà si elles seront fièrement tenues… ou si elles resteront des vœux pieux.
Avec la fête des Rois, la saison des festivités s’achève et aussi celle des excès. Trop de tout : la dinde, les pâtés, le vin, la bière et le scotch ; le champagne autant que la bûche de Noël. En résultat, on cherche à perdre du poids et on se promet de boire moins. D’autres choix s’imposent en opposition : travailler plus fort et apprendre à relaxer, prendre soin de son couple et préserver son autonomie, voir plus souvent ses amis et profiter d’un peu de solitude, s’occuper mieux de sa famille et garder sa liberté ; bien sûr, on cherche l’emploi de rêve et on veut réduire ses heures de boulot… ouf ! C’est stressant, juste d’y penser !
Ces résolutions prises trop rapidement sont vouées à l’échec. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que Richard Wiseman affirme que seulement 12 % des gens arriveront à tenir leur engagement. Il convient de bien murir la décision pour assurer qu’elle mène quelque part. Un bon défi remplira l’année de petits acquis qui, s’accumulant, rendront grandiose le résultat final.
Pour ceux qui suivent mes écrits, vous commencez sûrement à voir où je veux en venir, non ? Bien… je vous propose de choisir une seule résolution qui vous fera du bien…
L A   L E C T U R E !
En ce qui me concerne, j’adore les fictions en tous genres. Lire permet de stimuler mon imaginaire. On dit même que cette activité fort cérébrale éloignerait la maladie d’Alzheimer, du moins, elle retarderait l’apparition des symptômes.
 Contrairement au cinéma et à la télévision, le roman donne libre cours à ce que mon esprit peut inventer : je choisis les couleurs, j’imagine des personnages lumineux et je taille sur mesure les environnements. Je m’assois bien tranquille avec un livre, dans ma chaise préférée. Puis je laisse le bien-être m’envahir, me sortir de ma bulle de stress quotidienne. J’ouvre une page, puis je lis les phrases, l’une après l’autre. Une image se forme dans ma tête alors que l’histoire me captive, déplaçant du coup la tension associée à ma vie trop active.

Il y a toujours un bouquin qui traine quelque part, sur une table, dans ma sacoche ou dans mon havresac. Rien ne se mettra en travers de mes rendez-vous quotidiens avec un bon roman. Parfois, le scénario me captive tellement que ma tisane refroidit lentement sans que je la savoure ni les biscuits qui l’accompagnent. Ça devient un instant merveilleux où tout cesse d’avoir de l’importance sauf le prochain mot. Mon cerveau plonge dans l’histoire inventée alors que mon corps se remplit d’endorphine. Le bonheur total !
Vous ne savez pas quoi lire, affirmez-vous ? Bien, je vous annonce qu’on adopte un livre comme on choisit un film ou un voyage. Si vous adorez le monde de Disney, vous aimerez le fantastique ou la fantaisie. Les amateurs de Star Trek ou de Star Wars seront emballés par la science-fiction. Si vous optez presque exclusivement pour les sites anciens dans la planification de vos voyages, vous commencerez par des livres historiques, que ce soit un roman ou un essai. Ceux qui aiment les films policiers ou les suspenses seront également ravis d’apprendre que ces catégories existent aussi dans la littérature. Les personnes qui cherchent à rencontrer des gens et connaître leur vie trouveront des textes à leur goût dans la section des histoires contemporaines et des romans d’amour. Vous voyez ? Vous avez vraiment l’embarras du choix.
D’ailleurs, nos écrivains québécois fort passionnés sortent d’excellents textes qui divertissent, font réfléchir ou nous informent. Allez ! Essayez !
Vous n’aimez pas lire, dites-vous ? Hum… je suis convaincue que ce goût s’acquiert avec le temps. C’est comme faire du ski, voyager, marcher… ou manger un nouveau légume. « Plus on lit, plus on aime ! Plus on aime, plus on lit ! » Il faut commencer par un texte petit, puis augmenter l’ampleur du défi avec l’habitude.
Aujourd’hui, il n’y a plus de raison de passer à côté de cette belle activité. Au Québec, on trouve des livres d’une grande qualité, sur tous les sujets, de toutes les grosseurs, sous forme de bandes dessinées, de poésie ou de prose. On les découvre facilement dans les librairies, via l’internet ou dans les bibliothèques. Pas d’excuse. Aucune.
Allez ! Prenez dès maintenant une résolution que, cette année, vous tiendrez ! Assurément ! Les novices commenceront par 30 minutes tous les jours ou trois fois par semaine, quitte à préciser d’avance une période fixe dans la journée. D’autres, plus expérimentés, choisiront de lire une heure par jour.
Je sais ! Pourquoi ne pas dévorer un roman par mois ? Ça fait douze bouquins par année ! Ça, c’est une excellente résolution !
Si vous ajoutez que ces lectures comprendront deux livres québécois sur trois, vous aurez accompli un geste grandiose ! En plus de tenir votre résolution, vous contribuerez à la santé de l’univers du livre québécois ! 
Bonne année 2016 à tous !




lundi 4 janvier 2016

Un conte - un Noël dans la solitude


Le monde de l’écriture nous apporte parfois des cadeaux fort intéressants. 

Depuis quelques mois, j’écris des billets qui sont publiés dans la section blogue du journal numérique Le Huffington post Québec. Un tantinet humoristiques, mes textes visent souvent à présenter les incohérences dans le monde de l’écriture au Québec. D’autres fois, j’essaie de redorer l’image de notre littérature qui est malheureusement délaissée par le monde journalistique.  On préfère faire du surf sur des causes connues et sûres en matière de cotes d’écoute, comme Trudeau et Star Wars, plutôt que d'emprunter sentier qui a moins la cote, même si l'exercice pourrait s’avérer une mine d’or. Comme les livres, ces merveilleux trésors.  

Au début de novembre, j’ai reçu une demande plutôt inusitée de l’équipe qui gère le blogue du Huffington post Québec. On m’offrait de participer à un exercice appelé « le calendrier de l’avent ». On cherchait 24 textes, des contes en tous genres, qui seraient publiés à raison d’un par jour, entre le 1er et le 24 décembre 2015.  

J’étais ravie. Quelle bonne idée ! Mais... un conte ? Jusqu’à cette date, je n’avais produit qu’un seul conte dans le cadre d’un cours de littérature; ma note dénotait que j’avais encore des choses à apprendre... beaucoup, même ! J’ai relu les informations que contenait la demande. La liste de sujets était presque illimitée pourvu qu'on y parle de Noël, les critères s'avéraient fort ouverts. J'hésitais toujours. J’en ai parlé autour de moi. Tous m’encourageaient. 

« Pourquoi pas ? », me suis-je dit. Je commence par l’écrire, puis je verrai. Si je n’aime pas, je ne le soumettrai pas. Bien évidemment, plume en main, je me suis prise au jeu. Je cherchais à influencer les gens. J’ai donc retrouvé Nadine, mon personnage principal de ma série au Pays de la Terre perdue. Seule dans un monde sans civilisation, elle s’apprête à vivre Noël en solitaire, le deuxième dans ce lieu où la neige arrive par tornades successives. Sans sa famille ni ses amis, Nadine se souvient de l’importance du partage à l’occasion de cette fête. N’est-ce pas la signification première de cette fête judéo-chrétienne ? Au-delà des cadeaux, de la bûche de Noël et du champagne ? J’ai écrit en me répétant mon but ultime : j’aimerais, à la lecture de ce texte, qu'une personne généralement seule ne passe pas le Noël en solitaire; qu'on l'invite à le vivre en compagnie d'autres personnes. Une famille peut-être. 

Une fois écrit, je l’ai fait lire par quelques personnes qui m’ont encouragée à le soumettre. « C’est bon ! Triste, mais excellent ! » a affirmé mon fils avec une larme à l’œil. 

J’étais fière quand j’ai appris que mon texte avait été accepté parmi les 24 contes publiés. Vous pouvez le lire à l’adresse suivante. 


Si ça vous tente de lire d’autres billets que j'ai produits et qui ont été publiés sur le Huffington post Québec, vous pouvez vous abonner à mes publications en allant à l’adresse suivante : 


Je ne sais pas si j’ai atteint mon but, mais ce n’est pas important. L’écriture, elle, reste. La solitude est malheureusement un sujet permanent, quotidien. Il ne faut pas attendre au prochain Noël pour en parler. 


Suzie Pelletier